Un nouvel islam
Par Mohamed Pascal Hilout, http://nouvel-islam.org/article.php3?id_article=81
Pourquoi un nouvel islam ?
L’islam classique = coran+Mahomet pose problème, du point de vue éthique, esthétique et même physique (vision du monde concret). Il ne faut jamais confondre islam et musulmans ; une religion comme tant d’autres et des êtres humains capables de bâtir une civilisation brillante et dominante, avant de sombrer dans la dépendance et la régression. Notre problème de musulmans avec l’islam classique c’est que, par construction, il nous a été interdit de critiquer le coran et Mahomet, pieds d’argile de notre bel édifice, aujourd’hui croulant. Les intellectuels progressistes comme MM. Arkoun, Chebel, Meddeb, Benzine, les Bencheikh etc., se sont intéressés, de la plus belle manière, à des musulmans (traditionnistes, théologiens, exégètes, penseurs, politiciens, wahhabites...) et les ont chargés de tous les maux, au lieu de briser le tabou et d’ausculter les fondations elles-mêmes à l’aide de mots clairs et non pas à coup de concepts épistèmo-gréco-latino-soporifiques. Affuter des outils et critiquer les gardiens-profiteurs du malade, c’est bien ; opérer le patient, c’est mieux ! Mais il y a tant de rémouleurs qui rechignent à toute idée de crever l’abcès, d’effectuer une ablation ou même d’élaguer les branches mortes.
Sur le même terrain hérité des ancêtres, il nous faut donc reconstruire à partir de nouvelles bases solides, afin d’ériger un nouvel édifice fait, cette fois-ci, de Liberté, de Justice et de Paix. Paix avec nous-mêmes et avec le reste de l’humanité à laquelle nos ancêtres avaient déclaré le jihad, dès l’émigration à Médine. Pour conquérir la dignité des musulmanes et des musulmans, il est absolument nécessaire de déverrouiller les carcans rouillés de l’islam classique = coran+Mahomet et ne garder de ce noble héritage que les éléments solides qui ne s’émiettent pas au moindre coup de sonde. Et que nos intellos ne s’inquiètent pas : la vie repart de plus belle à partir du même arbre bien élagué. Le nouvel islam sera toujours un islam, éclairci, éclairé et au clair avec lui-même.
Les trois fragilités de l’islam classique
Physique, éthique et esthétique sont les trois zones de souffrance et de carence aiguë dans l’islam classique.
La vision d’un monde clos cerné par sept cieux superposés est celle qui a été plus ou moins commune au Moyen-âge judéo-islamo-chrétien. Nos ancêtres ont opté pour la physique géocentrique d’Aristote chère à son grand commentateur Averroès. L’attrait de cette physique résidait dans le fait qu’elle était munie d’un premier moteur immatériel et immuable faisant tourner la lourde mécanique céleste. Ce moteur avait l’avantage de se transmuer facilement en Dieu chez les monothéistes. Nos ancêtres ont aussi choisi l’idéalisme platonicien pour qui le cercle parfait est ce qui sied aux mouvements célestes et divins, alors que toute observation du ciel, à l’œil nu, démontrait et montrait le contraire. Des astronomes grecs comme Héraclides et Aristarque, en partie contemporains de Platon et d’Aristote, avaient pourtant proposé de mettre notre planète en mouvement. Mais il a fallu attendre Copernic pour réactiver leurs théories fécondes. La physique géométrique et expérimentale d’Archimède, contradicteur d’Aristote, a elle-aussi refait ses preuves depuis sa renaissance grâce à Galilée. Le fameux « donnez-moi un point d’appui, je vous soulèverais le monde » n’était pas une marque de prétention mais un pied-de-nez à la physique d’Aristote qui stipulait que toute force avait un seuil inférieur d’efficacité. Archimède avait démontré qu’il suffisait de démultiplier cette force non nulle à l’aide de leviers, de vis ou de cabestans pour obtenir un mouvement efficace. C’est bien cette physique-là qui a assuré à l’Occident et lui assure toujours sa primauté dans le monde.
L’éthique islamique avec sa flagrante inégalité entre hommes et femmes, avant tout héritage d’Arabie, n’était même pas à la hauteur de la monogamie adoptée au Moyen-Orient, un peu plus au nord de la Mecque et de Médine. C’est bien la fidélité à Khadija que Mahomet avait choisie durant toute sa vie à la Mecque, là où il était entièrement habité par un souffle prophétique qui lui ordonnait de défendre la veuve, l’orphelin, l’esclave, le vagabond et les déshérités. Cette première femme mecquoise était d’abord sa patronne avant de le demander en mariage et de devenir son premier soutien dans sa dure mission prophétique. Une fois devenu chef d’une communauté et d’une « Eglise », le prophète a malheureusement cédé à la coutume des alliances matrimoniales avant de nous laisser neuf veuves « élevées » dans le coran à la dignité de mères des croyants, c’est-à-dire interdites de remariage. Ceci dans l’espoir de perpétuer des alliances claniques et tribales. Aïcha, la bien-aimée, n’avait que 18 ans à la mort du prophète. Plus tard, elle prit la tête d’une guerre fratricide des plus mémorables. Le recours au sabre pour obtenir l’adhésion de ses coreligionnaires ou pour convertir les tribus arabes au temps de Mahomet et de ses califes (successeurs) immédiats, pose un sacré problème éthique duquel nous devons prendre nos distances, depuis les origines et non seulement au présent et au futur. Ce n’est pas manquer de respect au prophète que de dire non à certains aspects de ses pratiques et de ne garder que l’essentiel de son enseignement, celui qui respecte notre conscience et notre humanité. C’est le chantage ancestral du « tout ou rien » qu’il nous faut enfin refuser pour faire un peu de place à notre liberté.
La pudibonderie islamique -héritée de nos ancêtres sémites- est à la base de voilages occultants si ce n’est hideux et dégradants ainsi que du rejet de l’esthétique gréco-romaine qui a osé représenter et sculpter la beauté du corps humain dans toute sa nudité divine. Il est temps de rattraper le temps perdu et d’envoyer volontairement nos enfants aux Beaux-arts, pour qu’ils croquent des Vénus et Apollon et entrent dans la normalité de l’esthétique dont l’être humain est la figure centrale. La Renaissance de l’esthétique gréco-latine est une des bases de l’humanisme dont nous avons hérité. L’art abstrait et la calligraphie sont certes beaux mais c’est un peu restreint tout de même. L’art des miniatures persanes, turco-mongoles, devrait être aussi diffusé, étudié, rénové et développé.
Une révolution symbolique est à portée de main, sans moratoire ni atermoiement
« La dignité humaine est sacrée ; pas la religion », c’est le crédo essentiel auquel toute musulmane et tout musulman doivent souscrire avant d’espérer entrer dans le nouveau monde et le concert de ses nations.
Pour ne pas rester au niveau de la profession de foi et de ses slogans, il faut passer à l’acte symbolique qui est beaucoup plus fort que les révolutions sanguinaires. C’est dans ce sens que j’ai officiellement fait des propositions concrètes aux responsables du Conseil Français du Culte Musulman et des Conseils Régionaux du Culte musulman (CFCM et CRCM) :
Effectuons des prières mixtes en gardant la tête haute, les yeux tournés vers le ciel. Ainsi, nous prierons côte à côte avec nos femmes, filles et garçons. Il nous suffit donc de ne plus inscrire la soumission complète dans le corps, l’espace et le temps pour regagner un peu de dignité. Je crois qu’un simple changement de posture peut radicalement changer notre vie.
Adoptons les langues vernaculaires (français, flamand, allemand, turc, ourdou,...) de bout en bout dans notre liturgie. Ceci est à même d’enraciner nos enfants dans l’espace-temps où ils naissent et non pas à la Mecque et à Médine, au temps où l’arabe classique du coran était encore langue courante.
Choisissons d’être enterrés en rang avec nos voisins et concitoyens du cimetière communal. « Réintégrons les morts pour intégrer les vivants ! », voilà le leitmotiv qui devrait guider notre acte symbolique enracinant nos morts dans cette belle terre. « Peu importe où vous tournez votre face, vous serez face à Dieu » nous dit le coran. Nous pouvons donc éviter les carrés à part ou à l’écart et les ghettos de l’auto-exclusion que nos grands frères-et-sœurs juifs n’ont pas su ou pas pu éviter.
C’est de cette façon concrète que nous pourrons signifier à nos générations futures, à nos concitoyens et à nos coreligionnaires d’Afrique et d’Asie que nous avons changé d’époque et de référentiel. Tout le reste n’est qu’élucubrations et interprétations politico-intellectuelles qui ne produisent rien de pratique en religion. C’est pour cela que malgré le mouvement de la Nahda (du verbe nahada : se lever, se dresser), malgré ce soi-disant mouvement de renaissance arabo-islamique, nous sommes toujours restés carpettes. Nous avons assisté à des « révolutions » nationalistes et islamiques qui se sont finalement traduites par des massacres et des régressions vers d’obscures racines, justement jamais mises à nu ni auscultées à la lumière du jour. C’est cette sacrée partie de nous-mêmes, tant de temps cachée, qu’il nous suffit de regarder en face pour constater que nous n’avons rien de plus ni de moins honteux que le reste de l’humanité.