L'Irak n'est pas le Vietnam

Publié le par drzz

Par Helios, le 27 novembre 2006
 
L'événement d'actualité c'est de l'histoire en cours de réalisation, il est bien entendu difficile d'en mesurer l'importance, les projecteurs étant constamment braqués sur le court terme. À partir d'informations incomplètes et en l'absence d'un portrait global de la situation, les opinions se forgent sur des impressions et plus souvent sur des émotions. Il suffit alors d'une idée maîtresse ou d'une image choc pour que la réalité dans sa complexité et sa profondeur s'efface devant le "message".

S'il est vrai qu'une image vaut mille mots, une image tronquée vaut mille mensonges. À notre époque où le confort intellectuel n'est surpassé en importance que par le sentiment de sécurité matérielle, il devient important de raconter et de se raconter des mensonges réconfortants. Le besoin d'avoir raison surpasse de loin celui de connaître la réalité dans sa complexité, et le besoin de fuir la solitude fait que l'on se rallie panurgiquement à la majorité qui parle haut et fort.
 
Ces réflexions faites je me propose d'aborder un sujet délicat, la comparaison entre la guerre du Vietnam et la situation courante dans la région du Golfe persique.  
Ce parallèle avec la guerre du Vietnam est utilisé à sens et à contresens par ceux qui, du fait de leur impuissance, font la promotion de l'immobilisme face aux enjeux stratégiques.

Pour ce qui est de la guerre du Vietnam, la politique américaine visait l'endiguement du communisme, peut-on dire qu'elle s'est trompée d'objectif et qu'elle a échoué? En apparence oui, dans les faits la réponse est non et voilà pourquoi:

En ce qui concerne l'objectif, il s'agissait bien évidement de contenir le communisme ultra-totalitaire tel qu'il était appliqué au Nord Vietnam. La guerre a permis à tout le moins d'en freiner l'expansion durant une dizaine d'années, jusqu'au moment où le communisme a commencé à vaciller sur ses fondements alors que Moscou et Pékin s'enfonçaient inexorablement dans des problèmes économiques insurmontables qui les ont conduit en bout de ligne à renier leur idéologie. 

La défaite américaine au Vietnam a été largement auto-infligée. La guerre s'est perdue dans les foyers et au congrès. Le moment historique a aussi été important, puisqu'elle s'est déroulée à l'époque du peace and love, du flower power et de mai 68 qu'elle a marquée et dont elle a souffert.

Mais le fait que le déroulement de la guerre ait eu pour théâtre les foyers américains, ne lui enlève pas son bien fondé stratégique ni son impact à long terme, certes la chute du communisme aurait pu survenir plus tôt si une victoire militaire avait récompensé l'effort américain, cependant quand on examine objectivement les résultats on réalise que le communisme au Vietnam n'a finalement remporté qu'une victoire à la Pyrrhus.

Time beats timing. L'histoire a vaincu l'actualité! Le temps a finalement donné raison à la stratégie américaine en Asie du sud-est. Si le Vietnam au même titre que la Chine s'est converti au capitalisme c'est qu'il a reconnu dans les faits quoique à posteriori la futilité de son combat contre les américains, ces derniers ne cherchaient pas à coloniser le Vietnam, simplement à endiguer la tyrannie communiste. Quel résultat durable le Nord Vietnam a-t-il retiré de son combat acharné pour conquérir le Sud? Pas grand chose: l'implantation du système communiste au Sud Vietnam a été un échec, mieux encore le Nord Vietnam sans le reconnaître ouvertement a soigneusement rangé le communisme dans le placard. La conquête du Sud Vietnam constitue certainement un gain indéniable, mais c'est le communisme qui à prime abord constituait l'obstacle principal à la réunification pacifique du Nord et du Sud!   

Le "sentiment de culpabilité" à l'occidentale tend à absoudre l'adversaire et à flageller le partenaire. Les "bonnes âmes" deviennent ainsi les alliées objectives de l'ennemi. À partir du moment où la guerre se gagne ou se perd dans l'opinion publique, ceux qui font profession d'être la "conscience vivante" de l'occident finissent toujours par donner une caution en blanc à la tyrannie et contribuent puissamment au recul du camp de la liberté. Cette "conscience vivante" ne s'est pas émue outre mesure du spectacle des réfugiés vietnamiens mettant leur vie en danger sur de vieilles embarcations de fortune pour fuir la tyrannie communiste. Des milliers de réfugiés (les boat people) sont morts, d'autres sont demeurés des années enfermés dans des camps de réfugiés sans émouvoir les bien-pensants, ces derniers ont toujours raison et ne commettent jamais d'erreur d'appréciation, ils usent et abusent de la culpabilisation mais eux-mêmes n'éprouvent aucune culpabilité. 

La similitude entre la guerre du Vietnam et celle d'Irak s'arrête là. L'ennemi en Irak a retenu les leçons du Vietnam et tente de reproduire le même scénario soit gagner la guerre dans les foyers américains en s'appuyant fortement sur la "conscience vivante" de l'occident, il multiplie les carnages sachant qu'elle les mettra immédiatement et avec une délectation morbide sur le compte des américains.

Cependant les enjeux stratégiques sont différents et bien plus complexes du fait que la région du Golfe persique constitue la source principale d'énergie pour le monde industrialisé et qu'elle doit être sécurisée. Ceux qui nient cette réalité n'ont qu'à jeter un coup d'oeil sur les fluctuations des cours du pétrole pour réaliser combien la moindre rumeur concernant l'Iran peut influencer à la baisse ou à la hausse le prix de l'or noir. Ce qu'on appelle dans le jargon des affaires "le risque géopolitique" découlant de la volonté de l'Iran de se doter de l'arme nucléaire est responsable d'une augmentation du prix du pétrole d'au moins 15$ US le baril, et il ne s'agit ici que d'un risque non d'un conflit armé en bonne et due forme.

Il y a aussi une différence fondamentale entre la tyrannie iranienne et celle du Vietnam. Cette dernière était de nature politique et économique, dans le but d'ouvrir la porte à la prospérité, la nouvelle génération de dirigeants vietnamiens s'est empressée de diluer le contenu idéologique de son programme jusqu'à en faire une potion homéopathique. Quoique non démocratique dans sa structure politique, le régime au pouvoir fait preuve de pragmatisme, les échanges grandissants avec les pays occidentaux ne peuvent se concrétiser en l'absence de liberté économique, celle-ci en devenant réalité pave le chemin à la liberté tout court.

De son côté la tyrannie iranienne repose sur une idéologie religieuse extrémiste. Le marasme économique en Iran malgré la richesse pétrolière découle en bonne partie de la faillite de cette idéologie. Mais contrairement au Vietnam le régime en place ne peut ni mettre au rancart ni diluer son idéologie, les réformes qu'un président en apparence modéré a tenté de mettre en place ont toutes été invalidées par les tenants du pouvoir suprême. La situation du pays étant bloquée, seule la fuite en avant devient une option à moyen terme. Pour se maintenir et poursuivre son agenda extrémiste le régime des ayatollahs doit obligatoirement se lancer à l'aventure, l'extrême faiblesse de ses voisins lui en donne le goût et lui en fournit l'occasion.

Les bien-pensants ne portent aucun intérêt aux enjeux stratégiques, peu importe pour eux que les sources du pétrole tombent sous le contrôle d'états ou d'organismes extrémistes qui font la promotion du terrorisme et qui menacent la stabilité politique du moyen-orient. Si l'on se fie à leurs assurances le pétrole continuera de couler à flot. Cependant ils font mine d'oublier l'histoire, l'embargo pétrolier de 1973, à une époque où la dépendance envers le pétrole du moyen-orient était moins grande, a fait mal aux pays industrialisés et a permis en un cours laps de temps de multiplier par trois le prix du baril. Mais le prix du pétrole ne constitue qu'une part du problème, l'autre concerne le double chantage qu'un Iran nucléarisé et contrôlant le golfe persique, pourrait exercer sur le monde industrialisé particulièrement l'Europe. Chantage pétrolier et chantage nucléaire qui lui permettraient de vampiriser les ressources financières et technologiques européennes.

Les iraniens chiites sont en concurrence avec les extrémistes sunnites dans la course au contrôle des ressources pétrolières. Cependant ils affrontent un ennemi commun, l'Amérique, s'ils réussissaient à l'éloigner de la région en unissant leurs efforts, ils se retrouveraient inévitablement en situation de confrontation et devraient, soit découper entre eux la tarte pétrolière soit entrer en conflit armé pour l'accaparer au complet. Quelle que soit l'issue d'une telle confrontation le risque de perturbations majeures de l'approvisionnement sera élevé, comme lors de la première guerre du golfe, les belligérants pourraient mettre le feu aux puits de pétrole, les oléoducs et les terminaux pétroliers constitueraient aussi des cibles accessibles, il en résulterait une rupture soudaine de l'approvisionnement qui mettrait en danger les pays importateurs.

Le défaut de parler ouvertement des enjeux stratégiques et leur accorder l'importance qui leur revient constitue pour les journalistes et les commentateurs une omission condamnable. Il est normal que les hommes politiques fassent preuve de discrétion en abordant le sujet, ils n'ont rien à gagner à dévoiler à l'adversaire leur stratégie. Il en est tout autrement des professionnels de l'information dont c'est la responsabilité de rendre disponible des analyses objectives pour que le public puisse se faire une opinion éclairée. En s'écartant d'emblée des enjeux stratégiques ils contribuent à fausser le débat en mettant l'emphase sur des points secondaires. À l'instar des bien-pensants et très souvent en leur compagnie, ils cherchent à influencer le pouvoir en façonnant l'opinion publique, pour ce faire ils s'écartent (et s'égarent) du devoir d'informer objectivement les gens.

D'autres article sur le même sujet : les chroniques d'Helios

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A
$pendez:  37% des americains etaient contre la deuxieme guerre mondiale AVANT Pearl Harbor.  Pas apres Pearl Harbor.  <br /> Quant a anti nouveau c...:  Je ne suis pas vulgaire, change de nom!  L\\\'essence aux Etats Unis n\\\'a jamais ete aussi chere - il est monte en fleche depuis l\\\'evenement Iraquien.  Nous ne sommes pas taxe a excess en Amerique, comme ils le sont en France - alors il est tres facile pour l\\\'americain moyen de juger du prix du petrole  car l\\\'essence et le prix du petrole sont en relation directe (et sort de sa poche).  J\\\'ai fait le plein hier @ $2.19 au gallon.  Ca represente $1.20 de plus par gallon d\\\'avant la guerre Iraquienne.  Si nous beneficions d\\\'une reduction du prix de l\\\'essence... grace a la guerre...je n\\\'ai pas vu ca aux pompes.   Ca c\\\'est la realite - le reste est idealiste.  L\\\'Arabie Saoudite et autres pays du golf influencent le prix de l\\\'essence, le Venezuela a une voix egalement - n\\\'ignorez pas leur influemce.  Il est temps que l\\\'Europe change de refrain.  <br /> Annika <br />  
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A
$pendez:  37% des americains etaient contre la deuxieme guerre mondiale AVANT Pearl Harbor.  Pas apres Pearl Harbor.  <br /> Quant a anti nouveau c...:  Je ne suis pas vulgaire, change de nom!  L'essence aux Etats Unis n'a jamais ete aussi chere - il est monte en fleche depuis l'evenement Iraquien.  Nous ne sommes pas taxe a excess en Amerique, comme ils le sont en France - alors il est tres facile pour l'americain moyen de juger du prix du petrole  car l'essence et le prix du petrole sont en relation directe (et sort de sa poche).  J'ai fait le plein hier @ $2.19 au gallon.  Ca represente $1.20 de plus par gallon d'avant la guerre Iraquienne.  Si nous beneficions d'une reduction du prix de l'essence... grace a la guerre...je n'ai pas vu ca aux pompes.   Ca c'est la realite - le reste est idealiste.  L'Arabie Saoudite et autres pays du golf influencent le prix de l'essence, le Venezuela a une voix egalement - n'ignorez pas leur influemce.  Il est temps que l'Europe change de refrain.  <br /> Annika <br />  
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D
Les vétérans du Vietnam engagés en Irak voient "une guerre totalement différente" et aucun parallèle : <br /> http://www.usatoday.com/news/world/iraq/2005-06-20-iraq-vietnam-vets_x.htm
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D
Je pense que l'invasion de l'Irak et toutes ses conséquences, ont été, oui, une erreur grossière" a indiqué Carter sur la chaîne CNN. "Et je crois qu'il se confirmera qu'il s'est agi d'une des erreurs les plus grossières qu'un président américain ait jamais commise", a-t-il ajouté. L'ancien président américain, qui a été président de 1977 à 1981, a toutefois estimé que George W. Bush pouvait encore envisager un retrait de l'Irak pouvant être définie comme une victoire, s'il accepte une conférence internationale sur le conflit. Interrogé sur le fait de savoir si la guerre en Irak s'avérerait une erreur de politique étrangère plus importante pour les Etats Unis que la guerre du Vietnam, M. Carter a répondu: "on n'en sera pas loin, mais elle sera sans doute connue de manière plus forte par le reste du monde que la guerre du Vietnam".<br /> Si Carter, le plus mauvais président des Etats-Unis, pense que l'Irak est le Vietnam et que de faire cette guerre était une erreur, alors nous sommes sur la bonne voie ! 
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G
Cher Helios<br /> Comme à votre habitude,une exellente analyse,un exeptionnel moment de lucidité dans ce monde de désinformation.
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