Parole aux sages : Paul Berman
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Extraits des «Habits neufs de la terreur», Hachette, 2004 :
«Même Hitler et les nazis ont réussi à susciter quelques réactions à demi amicales parmi les esprits les plus embrouillés des démocrates progressistes de gauche. (…) Prenons un exemple curieux : les socialistes français des années 1930. (…) Au cours de la seconde partie des années 1930, ils remportèrent quelques victoires électorales et dirigèrent plusieurs cabinets. Avec Léon Blum, ils réussirent à se donner un leader de premier ordre (..). Il existait pourtant des courants distincts parmi les socialistes français : Blum et ses fidèles ne représentaient pas la totalité du parti. Le courant du secrétaire général, Paul Faure, était presque plus important ; il disposait en tout cas d’un bon nombre de voix à l’Assemblée.
Les deux courants s’affrontaient sur différents sujets, en particulier celui de la guerre. Blum et les siens considéraient Hitler et les nazis avec horreur ; ils pensaient que
Les opposants à la guerre voulaient savoir pourquoi : pourquoi le gouvernement français ne montrait-il pas un peu plus souple face aux demandes de Hitler ? Pourquoi n’admettait-il pas la pertinence de certains des problèmes qu’il soulevait ? Pourquoi ne pas chercher des moyens de se concilier le peuple allemand humilié et, par voie de conséquence, les nazis ? Pourquoi ne pas faire tous les efforts possibles, ne négliger aucun moyen pour éviter un nouveau Verdun ?
En lançant ce genre de débats, les opposants à la guerre ne pensaient pas être lâches ou inconséquents. Au contraire, ils étaient fiers de leurs réflexes pacifistes. Ils se considéraient comme exceptionnellement honnêtes et courageux. Ils sentaient que leur courage et leur intransigeance leur permettaient de regarder au-delà des apparences, pour comprendre ce qui se jouait en profondeur dans les relations internationales. Le danger véritable pour
Les arguments pacifistes reposaient en bref sur une foi inébranlable dans la rationalité universelle. C’était la vieille naïveté de gauche du XIXe siècle, cet optimisme un peu simplet qui avait semblé voler en éclats avec
Hitler et les nazis, il est vrai, tenaient des discours extravagants sur les Juifs, des discours d’un autre âge, dont la haine et la superstition écorchaient les oreilles. Mais les pacifistes français voulaient comprendre leurs ennemis, et non pas simplement les rejeter. Ils voulaient chercher ce qui, dans leurs discours, pouvait être compréhensible, les points sur lesquels tout le monde pouvait s’accorder. C’est ainsi qu’en écoutant les nazis proférer leurs discours les plus extravagants, nos socialistes s’interrogèrent : en y réfléchissant, qu’est-ce que c’était l’antisémitisme ? (…)
Les socialistes pacifistes observèrent de plus près les hommes politiques favorables à la guerre. Est-ce que quelques-uns des plus radicaux - les «faucons» français – n’étaient pas juifs ? (…) Ne devait-on pas reconnaître en France même l’existence d’une question juive, voire d’une menace pour
Malgré la défaite militaire (ndlr de
C’était il y a longtemps, dites-vous ? Non : c’était hier.»
Paul Berman
Les habits neufs de la terreur Hachette, 2004 pp. 156-161